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Digital Medusa
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Tim Denton
Conférenciers
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Dmitri Vitaliev
eQualitie
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Alyssa Quinn
CIRA (Modératrice)
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Job Snijders
Enjeux principaux
- Quelles sont les différentes formes de sanctions qui ont une incidence sur l’Internet?
- Quels sont les avantages et les inconvénients de l’imposition multilatérale de « sanctions sur l’Internet » durant un conflit?
- Quelles sont les conséquences qui découlent de l’interruption – ou du ralentissement – de l’accès de la Russie à l’Internet par le biais de sanctions?
- Quelle est la responsabilité des opérateurs de réseaux et des fournisseurs de services en ligne lorsque les réponses des gouvernements à un conflit sont de prescrire des sanctions sur la poursuite de leurs activités dans l’État sanctionné?
- Comment les organismes multipartites de gouvernance Internet ont-ils réussi à protéger le réseau mondial de la géopolitique?
Aperçu de la discussion
Les sanctions de l’Occident contre la Russie se sont multipliées au cours de l’invasion de l’Ukraine, tout comme les appels à la restriction de l’accès de la Russie à l’Internet mondial. Qu’elles soient diplomatiques, militaires ou économiques, les sanctions sont imposées par des États-nations contre d’autres nations, entités ou particuliers dans le but de changer leur comportement. Il existe des sanctions économiques qui peuvent avoir une incidence sur l’accès d’un pays à l’Internet, comme dans la situation qui s’est produite avec les sanctions américaines contre l’Iran et Cuba. Il semblerait désormais qu’il est possible d’imposer des sanctions propres à l’Internet, telles qu’en entravant l’accès aux ressources fondamentales de l’Internet, comme les adresses IP et les réseaux de systèmes autonomes.
Couper l’accès des Russes à l’Internet mondial, soit au niveau des plateformes ou de l’infrastructure, entraînerait plusieurs importantes conséquences. Le scénario selon lequel l’Occident est contre la Russie trouverait justification, et cela pourrait se retourner contre d’autres sanctions. L’accès aux ressources des dissidents et des libéraux en serait limité, mais on verrait assurément l’apparition de réseaux décentralisés dans le pays, puisque les résidents réagiraient face à cette réalité leur demandant d’être plus indépendants et nationalistes sur le réseau. Le nombre de personnes ayant recours à des moyens de contourner les blocages mis en place par des entreprises augmenterait. En outre, cette situation soutiendrait davantage les efforts déployés pour couper l’accès à d’autres pays.
Lorsque les pays n’ont pas de politique claire sur les sanctions touchant l’Internet, cela laisse place à des décisions prises individuellement par des entreprises technologiques. Les réponses ne sont alors pas cohérentes, puisqu’elles relèvent de la politique et des connaissances des responsables des entreprises. Alors que le gouvernement du Canada a imposé des sanctions très sévères à la Russie en soutien à l’Ukraine, il n’a émis que très peu de directives concernant l’imposition de sanctions qui ont une incidence sur l’Internet. D’un autre côté, les États-Unis ont accordé des exceptions pour les télécommunications, mais comme les entreprises ont tendance à démontrer une conformité supérieure à ce qui est prescrit, elles ont cessé leurs services en Russie.
En l’absence de directives de la part des gouvernements, les membres de la communauté Internet multilatérale ont rédigé ensemble une lettre ouverte présentant des suggestions sur la manière d’imposer des sanctions sur l’Internet par le biais de la gouvernance multipartite et des institutions de l’Internet. La lettre ouverte réfute d’abord la faisabilité des diverses demandes qu’a soumises le gouvernement ukrainien à l’ICANN et au RIPE NCC. Elle prône la création d’un mécanisme minimal et multipartite pour publier des listes de rejet d’adresses IP et de noms de domaine que les organisations peuvent implémenter. Le mérite de la lettre repose sur le fait que ce mécanisme est collectif, ancré dans les institutions de l’Internet et volontaire. Cependant, des inquiétudes persistent quant à la promptitude et à l’efficacité d’un tel mécanisme, et à la possibilité qu’il soit sujet à un changement d’orientation de mission.
Les panélistes ont également constaté les limites de la gouvernance multipartite dans les propositions de la lettre. Par exemple, les institutions multipartites ne prendront pas de décisions qui auront pour effet de rendre l’Internet moins ouvert, moins interopérable et moins intégral. Cette lettre a ouvert la discussion sur la meilleure façon de cibler les particuliers ou les entreprises sans toutefois enfreindre les principes de l’Internet. Après discussion, les panélistes ne sont pas parvenus à un consensus concernant la possibilité que les sanctions de liste de rejet et de déréférencement en période de conflit soient adaptées ou efficaces. Ils ont également délibéré du caractère approprié d’imposer des sanctions sur un élément aussi abstrait que les adresses IP et les numéros d’espace adresse.
Il existe des solutions que la communauté Internet peut mettre en œuvre durant le conflit, autres que de mettre des adresses IP et des numéros d’espace adresse sur une liste de rejet, malgré les limites auxquelles sont confrontées les institutions multipartites pour répondre aux demandes du gouvernement ukrainien. Par exemple, la communauté Internet peut aider les institutions ukrainiennes à devenir plus fortes et résilientes en mobilisant des fonds, en envoyant du matériel, en renforçant le réseau des cyberattaques et en veillant à ce que l’Internet ukrainien demeure stable et résilient. Les intervenants de la communauté Internet pourraient également déployer davantage d’efforts pour que le pare-feu russe soit moins efficace. Par conséquent, les sanctions sur l’Internet sous forme de liste de rejet ou d’interruption d’accès aux plateformes ne sont peut-être pas adaptées, appropriées ou efficaces, mais il existe des mesures que la communauté Internet peut prendre pour soutenir l’Ukraine.
Informations clés
- La capacité des institutions multipartites de l’Internet à aider les pays en période de conflit est limitée en raison de la priorité qu’elles accordent au maintien de l’Internet ouvert et interopérable.
- L’absence de directives explicites de la part des gouvernements à l’intention des entreprises laisse place à un processus décisionnel régi par chaque entreprise et son équipe de direction, ce qui crée un patchwork de réponses.
- Couper davantage l’accès des Russes à l’Internet mondial justifierait le scénario selon lequel l’Occident est contre la Russie, limiterait l’accès des dissidents et des libéraux aux ressources, et créerait des réseaux décentralisés dans le pays, puisque les résidents réagiraient face à cette réalité leur demandant d’être plus indépendants et nationalistes sur le réseau.
- Le mérite de la lettre du PCH repose sur le fait que ce mécanisme est collectif, ancré dans les institutions de l’Internet et volontaire. Cependant, des inquiétudes persistent quant à la promptitude et à l’efficacité d’un tel mécanisme, et à la possibilité qu’il soit sujet à un changement d’orientation de mission.
- Les sanctions sur l’Internet sous forme de liste de rejet ou d’interruption d’accès aux plateformes ne sont peut-être pas adaptées, appropriées ou efficaces, mais il existe des mesures que la communauté Internet peut prendre pour soutenir l’Ukraine, telles que renforcer les réseaux ukrainiens contre les cyberattaques et mobiliser des fonds.