Le gouvernement du Canada appuie-t-il toujours l’Internet ouvert?

Panélistes

Daniel Bernhard, Les Amis de la Radiodiffusion  
Michael Geist, Université d’Ottawa  
Laura Tribe, OpenMedia
Janet Yale, présidente du Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications
Byron Holland, Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (modérateur)

Enjeux principaux

  • Comment et quand le Canada doit affirmer sa souveraineté et sa compétence face aux « géants de la technologie »
  • Soutenir les médias d’information, l’art et la culture canadienne à l’ère numérique
  • La neutralité du réseau
  • La nécessité d’une discussion complexe au sujet de la différence entre les divers fournisseurs de services en ligne plutôt que tous les réunir sous le terme de « géants de la technologie »

Aperçu de la discussion

L’approche du gouvernement canadien à l’égard des géants de la technologie consiste essentiellement à tirer parti de leur succès et de leur croissance constante plutôt que de tenter de limiter leur pouvoir et leur influence. Les panélistes ont suggéré que cet empressement à essayer d’égaliser les chances des entreprises canadiennes et des « géants du Web » a mené à un processus d’élaboration de politiques mal géré et des concepts mal définis dans les lois et a semé la confusion quant à l’engagement du gouvernement envers les principes de l’Internet ouvert.

Il existe diverses approches utilisées ailleurs dans le monde pour maîtriser les géants de la technologie, y compris les lois antitrust, les réformes en matière de protection de la vie privé et les droits d’auteur. Au Canada, il n’y a pas eu de discussion complexe au sujet des différences entre les services offerts par les géants de la technologie, comme Facebook et Amazon, et les entreprises elles-mêmes. Cela a entraîné des mesures législatives inappropriées, motivées par le désir de défier les géants de la technologie et d’utiliser leur pouvoir en faveur des médias traditionnels canadiens. Certains panélistes ont souligné qu’il existait des lois au Canada dont le gouvernement n’a pas pleinement profité pour tenir responsables les grands fournisseurs de services en ligne.

Il existe des écarts importants entre ce qui a été promis, ce qui était prévu et ce qui se trouve dans le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Les panélistes ont laissé entendre que le gouvernement avait mal géré le processus parlementaire de ce projet de loi qui aurait pu avoir une incidence incroyable sur l’expérience en ligne des internautes canadiens, sur la liberté d’expression et sur la neutralité du réseau. Bien que l’intention d’exempter le contenu généré par les utilisateurs et les petites entreprises en ligne des exigences du CRTC ait été présente initialement, ces protections ont été retirées au cours du processus d’élaboration du projet de loi. Le projet de loi devrait procurer un pouvoir discrétionnaire sur les éléments clés, comme l’exigence de découvrabilité, au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). À l’heure actuelle, le public fait très peu confiance au CRTC, ce qui fait de ce pouvoir discrétionnaire un problème potentiel. L’éventualité que l’exigence de découvrabilité donne priorité à certains contenus aux dépens d’autres, remet la neutralité du réseau en question. Toutefois, certains sont d’avis que l’exigence de découvrabilité du projet de loi ne fera qu’augmenter les choix des Canadiens sans affecter la neutralité du réseau et la liberté d’expression. D’autres affirment que le contenu canadien numérique est assez fort pour se suffire à lui-même sans intervention gouvernementale.

On s’accorde largement pour dire que les médias d’information ont besoin de soutien financier étant donné qu’un secteur de l’information dynamique et diversifié est essentiel à une démocratie saine. Le modèle australien exige que les grandes plateformes concluent des ententes de paiement avec les médias d’information afin de partager leur contenu. Le modèle de l’Union européenne utilise le droit d’auteur pour contraindre les plateformes à payer pour les liens et les nouvelles partagées. Les deux modèles peuvent être problématiques, car ils risquent de diminuer la quantité de nouvelles sur les plateformes, ce qui est l’opposé de l’objectif visant à donner aux citoyens accès à davantage de nouvelles de qualité. Un système de subventions et d’impôts est une possibilité pour le Canada.

Informations clés

  • Le débat concernant le projet de loi C-10 constitue un indicateur de la réaction du public face au reste de la politique d’Internet du gouvernement.
  • Le gouvernement devrait revoir les dispositions légales afin de définir clairement plusieurs termes et concepts clés avant de réglementer les géants de la technologie, tels que le contenu canadien, la découvrabilité, les services de médias sociaux et la distinction entre les services offerts par les entreprises et les entreprises elles-mêmes.
  • Le gouvernement devrait commencer par faire appliquer les lois existantes afin de contrôler les géants de la technologie et de s’assurer qu’ils assument leur responsabilité quant aux préjudices qui ont lieu sur leurs plateformes.
  • Lors de l’ébauche de lois visant à soutenir les médias d’information, l’art et la culture, le gouvernement devrait commencer par déterminer quels sont les résultats escomptés pour le Canada.
  • Le traitement des messages est de la plus haute importance pour réaffirmer l’engagement envers la neutralité du réseau et les principes de l’Internet ouvert.