Panélistes
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Alexandra Cutean
Conseil des technologies de l’information et des communications
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Christopher Parsons
CitizenLab
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Laura O’Brien
Access Now
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Fen Hampson
Norman Paterson School of International Affairs, Université Carleton (Modérateur)
Enjeux principaux
- Quelle est la politique étrangère numérique du Canada?
- Quels sont les atouts sur lesquels le gouvernement peut s’appuyer pour devenir un chef de file mondial dans l’économie numérique, la cybersécurité et la promotion des droits de la personne?
- Quels sont les obstacles freinant l’accession à la position de chef de file mondial dans le domaine numérique?
- Cohésion, transparence et responsabilité par le biais d’une politique étrangère numérique globale.
Aperçu de la discussion
Dans les nouvelles lettres de mandat publiées à la suite des élections de 2021, le premier ministre Justin Trudeau s’est donné pour priorité de positionner le Canada comme un chef de file mondial dans le domaine numérique. Pour ce faire, il est nécessaire d’examiner la politique étrangère numérique actuelle, ses forces et ses faiblesses, ainsi que les mesures pouvant être prises par le gouvernement en vue d’être un chef de file mondial de la cybersécurité, de l’économie numérique mondiale et de la promotion des droits numériques de la personne. Les lettres de mandat, de concert avec la présidence de la Freedom Online Coalition, pourraient constituer un tournant pour la politique étrangère numérique canadienne.
Les discussions concernant les affaires internationales canadiennes reposent souvent sur les domaines dans lesquels le Canada était auparavant en tête; il est toutefois important de comprendre que ce qui compte désormais est la coordination. Tous les ministères collaborent avec des partenaires internationaux. Ce rôle ne se limite pas qu’au ministère des Affaires étrangères. Cependant, l’attention portée à la coordination ralentit les progrès que peut accomplir le Canada pour se projeter comme chef de file sur la scène internationale. Le Canada s’implique actuellement dans plusieurs organisations internationales et multilatérales, dont les Nations Unies (ONU), le G7 et la Freedom Online Coalition. Il s’appuie sur l’ordre international fondé sur des règles, dans lequel il détient le rôle d’une puissance moyenne. Récemment, à la remise en question de la loyauté des États-Unis envers l’OTAN, le rôle du Canada dans le monde est devenu plus incertain.
À l’heure actuelle, le Canada fait preuve d’un excellent leadership en se concentrant sur les droits de la personne et l’avancement de l’inclusion numérique, tant à l’échelle nationale et qu’internationale. La politique étrangère féministe du Canada et son approche à l’égard de l’inclusion numérique constituent d’importants points de vue permettant de constater son engagement international et des atouts à mettre à profit. Le Canada a, par exemple, financé une recherche portant sur les dimensions sexospécifiques de la cybersécurité et a fait progresser des initiatives visant à mettre fin à la violence et au harcèlement fondés sur le sexe survenant dans un contexte numérique à l’ONU et au G7. Il s’investit également dans la gouvernance éthique de l’IA et manifeste un intérêt constant pour la liberté des médias et la liberté d’expression en ligne. En effet, les représentants gouvernementaux ont recommandé au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies de mettre fin à la suspension des services Internet. Il y a également une reconnaissance publique de la menace de surveillance, de cyberintrusions et de logiciels espions; le Canada devrait toutefois promouvoir davantage la protection des renseignements personnels afin de lutter contre la surveillance. Cependant, le gouvernement et un bon nombre de ses alliés prennent part à la surveillance de masse. Ces activités entrent en conflit avec la protection de la vie privée, la liberté d’association et la promotion des droits de la personne.
L’économie numérique canadienne s’en est bien tirée tout au long de la pandémie. Elle présente de nombreux atouts qui peuvent être mis à profit pour positionner le Canada en tant que chef de file de l’économie numérique mondiale. Si les entreprises continuent d’adopter les technologies, cela peut contribuer à améliorer l’économie numérique nationale, et par la même occasion, la concurrence internationale. La collaboration, par exemple en offrant de meilleures offres spéciales, peut également améliorer la concurrence internationale du Canada et aider à identifier les investissements à faire. De plus, le bassin de compétences canadien est un atout qui peut être mis à profit : le Canada possède de nombreux centres de formation et d’éducation et demeure une intéressante destination pour les étudiants étrangers et les travailleurs. Le pays doit s’efforcer d’exploiter ses investissements, particulièrement dans la recherche et le développement. La création d’une politique de commercialisation plus affirmée et cohérente contribuerait également à ce que le Canada réalise ses aspirations d’être un chef de file de l’économie numérique mondiale. De plus, la stratégie doit reconnaître qu’il n’est plus possible de séparer la croissance économique du bien-être environnemental et social.
À l’heure actuelle, en plus de la nécessité d’une politique de commercialisation plus cohérente, il est difficile de déchiffrer ce qu’est la politique globale de sécurité nationale du Canada en matière de cybersécurité au 21e siècle. Le gouvernement du Canada exerce plusieurs activités liées à la cybersécurité et à la sécurité nationale; toutefois, il n’existe aucun énoncé officiel de ses valeurs, de ses objectifs et des moyens qu’il est prêt à prendre pour atteindre ses objectifs. Sans cet énoncé, les citoyens, les alliés et les concurrents canadiens sont tenus dans l’ignorance et ne connaissent pas les objectifs du gouvernement. Qui plus est, les forces militaires canadiennes et le Centre de la sécurité des télécommunications ne démontrent que très peu de transparence, et donc de responsabilité, concernant leur implication dans les cyberopérations. Une plus grande transparence renforcerait la capacité du Canada d’occuper un rôle de chef de file dans le domaine naissant du droit international du cyberespace. Élaborer un cadre pour le matériel de télécommunications qui appuie les opérations défensives de l’assurance de l’information et qui permet aux entreprises de télécommunications de protéger leurs utilisateurs et leurs activités dans la mesure du possible pourrait constituer un important outil pour la cybersécurité et la sécurité nationale. Le gouvernement devrait consulter et réunir des universitaires ainsi que des membres de la société civile et du secteur privé pour contribuer à l’élaboration de la politique et pour promouvoir les intérêts de l’État-nation en matière de sécurité.
Informations clés
- Le Canada possède de nombreux atouts dans les domaines de l’économie numérique, de la cybersécurité et de la promotion des droits numériques de la personne dans des forums internationaux qui peuvent être mis à profit. Il est nécessaire d’instaurer une politique étrangère numérique plus formelle, complète et cohérente afin d’accroître la transparence et la responsabilité.
- Tirer parti des atouts que possède le Canada dans l’économie numérique, notamment ses talents, et de ses investissements accrus dans la recherche et le développement par le biais d’une politique industrielle aura pour effet de contribuer à la concurrence internationale du Canada dans l’économie numérique mondiale.
- La présidence de la Freedom Online Coalition présente l’occasion de démontrer davantage de leadership dans le domaine numérique et le point de départ pour élaborer une meilleure politique étrangère numérique plus cohérente et transparente.
- Le gouvernement du Canada devrait présenter ouvertement sa position sur le droit international émergeant afin de corriger les opérations qu’il mène dans le cyberespace, les éléments principaux de sa cyberpolitique cohérente, et les capacités actuelles qu’il croit détenir et leur mise en œuvre éventuelle.